Dans la saga consacrée à l’émotion 2.0., intéressons-nous à présent aux mots. S’il est vrai que l’image occupe une place prépondérante dans le communication digitale, les mots n’ont pas dit leur dernier mot ! Ils sont mêmes les clés de notre référencement naturel. Précédés du hashtag, ils partent à l’assaut des réseaux sociaux pour mieux rassembler.
Le pouvoir des mots
Face à cette toute puissance de l’image, les mots ont-ils encore le pouvoir de réveiller nos émotions ?
Les contenus éditoriaux en ligne se heurtent à deux contraintes de taille :
- la première concerne le sacro-saint référencement naturel (SEO) qui dicte les règles de l’écriture web : longueur des phrases, organisation, mots clefs…
- La seconde contrainte concerne l’évolution des pratiques de lecture (sur des écrans plus petits, en mode zapping…). Ces deux contraintes auraient tendance à modéliser les écrits en ligne en leur ôtant leur part d’originalité et d’émotion.
Le principal défi des professionnels de contenus éditoriaux dont je fais partie n’est pas tant de répondre au cahier des charges imposé par Google que donner de la valeur au contenu de leurs publications. Comment ne pas aseptiser les écrits ? Aux concepteurs-rédacteurs de trouver les solutions pour ne pas tomber dans ce piège dangereux qui lissent et modélisent les publications en ligne.
Pour mener à bien sa mission et répondre à cette recherche constante d’émotion des internautes, le rédacteur doit se fixer un objectif prioritaire : toucher au cœur le lecteur en faisant de sa publication (article, page de site internet, présentation en ligne, newsletter) un message qui parle à ses désirs, besoins et motivations profondes.
Photos de Domingo Alvarez E sur Unsplash
Que la force du Hashtag soit avec toi !
Le propre d’internet est de donner la possibilité à tous de devenir des rédacteurs. Jamais on n’a autant écrit que depuis l’invention du web et des smartphones. Jamais le besoin de se raconter n’a été aussi fort. Que ce soit sur un blog ou sur une messagerie intégrée, l’écriture s’est démocratisée en même temps qu’elle s’est digitalisée.
Pour dire ses émotions et les partager aussi rapidement qu’une photo, on a inventé les hashtags. J’ai tendance à les comparer aux émojis. Tous deux parlent à nos émotions de manière raccourcie, immédiate tout en augmentant leur viralité. Les mots dièses ne sont pas seulement un marquage référentiel. Ils sont à eux-seuls l’expression de nos émotions. #JesuisCharlie #jaimeparis #denoncetonporc : les hashtags donnent le ton. On les retrouve particulièrement sur Twitter et pour cause : la concision fait partie de son ADN !
Marko Vidak et Agata Jackiewicz ont écrit un article passionnant sur « Les outils multimodaux de Twitter comme moyens d’expression des émotions et des prises de position / Twitter’s multimodal tools as a means of expressing emotions and points of view”. Voilà ce qu’ils nous disent (entre autre) :
« Le mot-dièse est le seul à avoir une structure linguistique dotée d’un sens. En tant que tel, il est le plus adapté à véhiculer des sentiments, des jugements ou des opinions. Ainsi, parmi ses fonctions plutôt techniques (indiquer une thématique, classifier…), l’on trouve aussi des usages des mots-dièse en tant que modalisateurs du discours allant dans le sens de l’expressivité. »
On peut désormais raconter une histoire pleine d’émotions en convoquant et en créant des hashtags que l’on assemble à la manière d’un rébus. Libre à nous d’y inviter quelques émoticônes qui donneront de la couleur à nos émotions et les rendront universelles. Les meilleurs Community managers maîtrisent à merveille ce tissage 2.0. !
Toujours extrait des travaux de Marko Vidak et Agata Jackiewicz :
« #amour, #love, #triste, #tristesse, #haine, #joyeux(se), #déception, #peur. Des adjectifs, noms ou verbes peuvent être combinés avec d’autres unités lexicales à l’intérieur d’un même mot-dièse pour souligner ou expliciter l’état émotionnel ou un jugement, en devenant parfois des énoncés à part entière : #hontepoureux, #tristessepourtous, #TristeRealite, #TristeFrance, #tristepays, #Amourpourtous, #amouretguerre, #joieultime, #PeurDeSeMouiller, #PeurDuGouvernement. (…) Le mot-dièse est à la fois un outil d’indexation et un moyen linguistique qui permet de véhiculer des contenus informatifs et des émotions propres à mobiliser autour de valeurs communes. »