Et si douter était une composante essentielle de la communication ? 9 questions à Sara Rosenberg, professionnelle de la communication et du marketing digital, responsable écotourisme et communication chez HELP CONGO. Sara a fait du doute le sujet et le titre de son nouveau projet. Un projet artistique puisqu’il s’agit d’un court métrage : LE DOUTE. Interview d’une communicante, photographe et autrice accomplie qui accueille le doute pour booster sa créativité.

En quoi le doute peut-il être un allié dans une stratégie de communication ?

Le doute permet de remettre en questions ses certitudes, et de valider (ou pas !) ses intuitions ou une direction choisie. Cela sollicite de la part du communicant, un travail de veille, une véritable connaissance de son client, de son audience et de sa concurrence, pour challenger ses pistes stratégiques.

L’IA et ses multiples biais, hallucinations et deep fakes augmente t-elle le doute ?

Permets-moi une réponse version grand écart à la Jean-Claude Van damme : oui et non. C’est indispensable de douter de ce que produit l’intelligence artificielle  et d’aller vérifier ses sources. Et en même temps, grâce à l’IA, chacun d’entre nous a un accès incroyable à de la véritable connaissance. Par exemple sur des faits scientifiques, j’aime interroger Perplexity, moteur de recherche augmenté par l’IA, en choisissant uniquement d’interroger la littérature académique. J’aime aussi me servir de l’outil consensus.ai pour m’aider à savoir s’il y a consensus scientifique ou pas sur une affirmation.

L’intelligence artificielle peut donc aider à réduire le doute…

Tout à fait. Pour moi qui ai toujours du mal à me décider, même sur des sujets sans importance, je peux « déléguer » à l’IA une prise de décision. Par exemple, j’ai toujours un mal fou à choisir les émojis dans mes publications LinkedIn par exemple. Je regagne ainsi en productivité sur les choses vraiment importantes ! Par ailleurs, bien utilisée, et avec précaution, l’IA nous permet d’aller vérifier l’état de la connaissance sur tout un tas de sujet ! Si ça peut enlever un peu de charge mentale, je prends !

Quels conseils de communication donnerais-tu à une marque qui suscite la défiance… et donc le doute ?

Très bonne question Anne ! Partons du principe que cette marque a déjà travaillé en interne sur la raison de la défiance et qu’il faut maintenant passer à la preuve. Je dirais : communiquer avec humilité et transparence. Je recommanderais également de faire témoigner à la fois des collaborateurs internes et des clients satisfaits. On fait davantage confiance à des humains qu’à un logo. Et si on peut recueillir la parole de clients qui sont passés de la défiance à la confiance, on renforce nos chances de reconquête ! Et je parle de VRAIS témoignages, hein ? Pas des scripts et des vidéos made with AI !

Tu as de multiples casquettes : autrice, consultante en communication et marketing, formatrice, photographe… toutes ces cordes à ton arc parviennent-elles à atténuer tes doutes ou au contraire les multiplient-elles ?

Sur ma vie professionnelle, multiplier mes casquettes a considérablement atténué mes doutes permanents et mes questionnements : « suis-je à ma place ? », « vais-je faire ça toute ma vie »  ? « Est-ce que je ne serais pas plus heureuse en faisant autre chose ? ». Je dois un peu partitionner mon disque dur cérébral, mais en vérité, toutes ces activités se nourrissent les unes des autres, parfois de manière inconsciente !

Tu oses explorer ta créativité artistique sans renoncer à ton métier de communicante pourtant très prenant. Que dirais-tu à des professionnels qui doutent de leur capacité à développer leur propre créativité artistique ?

Le premier obstacle à sa créativité artistique ce sont les excuses, les prétextes que l’on se donne et la pression que l’on se met ! Nous sommes suffisamment contraints dans une société de la performance pour en plus se l’infliger dans son espace personnel et parfois intime ! Surtout, si l’idée vous travaille, si l’envie est là, toujours un peu présente, autant lui faire une vraie place. Vous y gagnerez en productivité pour le reste et surtout votre cerveau va trouver un nouveau souffle. Je recommande de lire « Comme par magie : vivre sa créativité sans la craindre » de Elisabeth Gilbert. J’étais sceptique quand on me l’a recommandé. Maintenant je peux l’affirmer : lisez-le !

Le doute implique la remise en question et peut être associé à une forme d’immobilisme… quelques astuces pour le transformer en action ?

Arrêter de se donner des excuses type « je n’ai pas le temps ». Le temps, ça se prend. Même si c’est 5 minutes !  C’est long 5 minutes devant une page blanche ! Dans son dernier livre, Richard Malka cite son mentor George Kiejman : « Dans la vie, il faut s’amuser ». Ca paraît bête mais c’est tellement vrai.  Simplement, il faut s’en donner la permission. Dit plus simplement : YOLO

Parle nous à présent de ton projet de court métrage LE DOUTE. Pourquoi cette forme narrative et pourquoi ce sujet ?

Je suis quelqu’un qui a toujours tendance à douter, à hésiter. Et parfois j’ai vraiment eu l’impression d’avoir un colocataire très encombrant qui me posait beaucoup de questions ! J’ai voulu explorer cette métaphore. Pourquoi un court métrage ? Je me suis découvert une passion pour l’écriture de dialogues. J’adore ça. J’ai juste déroulé le film dans ma tête ! Le format court métrage, pour l’écriture ou la réalisation c’est l’opportunité de créer toute cette histoire, d’en être la chef d’orchestre et de mobiliser une équipe qui y croit. Et à la fin, de montrer à qui veut le voir, un petit bout de mon monde intérieur ! C’est absolument magique !

L’IA t’a t’elle accompagnée dans ton écriture ?

Absolument pas ! Je n’y voyais pas d’intérêt car j’avais envie de tout faire moi-même. Le plaisir est avant tout dans le processus de création, pas dans le résultat. J’adore savoir que chaque mot n’est pas le résultat d’une probabilité algorithmique mais le fruit de mes petits neurones à qui j’ai laissé carte blanche.

Devenez mécène et cultivez le doute !